8 décembre 2004

Bienvenue au village global

bande

De façon idéale, il faudrait au monde un gouvernement mondial. Question d’établir une paix et une justice sur cette planète que nous partageons tous. Mais, quand on s’aperçoit que le tiers d’entre nous, humains, vit (meurt?) avec moins d’un dollar par jour, notre ferveur pour l’égalité des chances s’affadit. Car qui voudrait vraiment partager ses richesses avec les misérables?

Comme vous, j’ai déjà entendu la réponse:

«À quoi servirait de perdre ma voiture, ma maison, ou ma caisse de retraite si c’est pour donner un dollar de plus par jour à ce tas d’analphabètes improductifs et malades qui s’obstinent à vivre pieds nus dans des déserts de roche, ou entassés par millions dans des cités mouroirs. À rien. Moi, j’aime mieux vous le dire tout de suite: c’est non. Ils auront beau lancer des avions sur tous les gratte-ciel du monde en guise d’avertissement ou de représailles, c’est non.»

Clair et net.

Certains, comme au G7, au G8 ou au G20, trouveront plus prudent, plus politique et plus correct de remplacer la Justice par la Charité. Remplacer un droit immuable par une vertu révocable. Pour avoir toujours une option quand ça tournera mal. On est censé employer les sept dixièmes de un pour cent de notre produit intérieur brut à l’aide au développement des pays pauvres (le P150?). Pour les aider à rembourser les dettes qu’ils ont contractées envers nous.

Sublime, c’est-à-dire pervers.

Les puissants ont décidé à Seattle, à Québec et ailleurs, que l’organisation mondiale du commerce serait une chose incontournable. Ils ont discuté d’abolition des barrières tarifaires... derrière des barricades. Il s’agirait simplement, à sept ou à vingt grands entrepreneurs sans frontières, de créer une grande boutique planétaire. Et de répartir le travail. De partager le labeur entre les pauvres, le profit entre les riches.

Car, make no mistake about it, comme dirait «Dobbelyou» Bush, ne vous y trompez pas, nos villageois globalisants ne voient d’intérêt dans le partage mondial du travail que dans la mesure où ils seront toujours les mêmes, et les seuls, à en savourer les fruits. Seuls dans le club sélect que représente ce un pour cent de l’humanité qui fixe, du haut de ses tours climatisées, le prix de la sueur des quatre-vingt-dix-neuf autres pour cent. Pendant ce temps, nos syndicats de boutique ne se préoccupent pas du fait que la boutique est en train de devenir planétaire. Ils ne s’inquiètent pas du jour où nos nouveaux clients planétaires vont se mettre à fabriquer, à moindre coût, ce qu’on était supposé leur vendre. Ils ne se tracassent pas de voir bientôt ces «clients» devenir, de fait, des compétiteurs. Il y a belle lurette que la misère est planétaire, mais la solidarité, elle, ne dépasse pas beaucoup les frontières. «Liberté, égalité, fraternité» est une magnifique devise qui fait l’envie de tous, mais comme toutes les devises, elle ne cesse de fluctuer selon qu’on se trouve au sud ou au nord. Il serait temps de mondialiser la résistance des travailleurs.

On peut faire de l’angélisme et croire que la globalisation est une forme de partage entre les riches et les pauvres dans ce monde. Mais on doit savoir que tous seront invités au grand banquet, certes, mais à la condition que la plupart y jouent le rôle de serviteurs. Pendant qu’au Sommet des Amériques protestait «la société civile» (nouveau terme inventé à l’époque, sans doute pour nommer ceux qui ont élu des concitoyens en qui ils n’ont plus aucune confiance), de méchants terroristes venaient à la conclusion que dans un monde où les règles du jeu sont fixées par et pour les riches, la seule façon de gagner, pour les pauvres, c’est de tricher.

© Richard Ste-Marie / 8 décembre 2004


C'est une photo magnifique.
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